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Vos témoignages sur l'autismeScolarité

"Répondre de façon disciplinaire revient à sanctionner l'élève pour son handicap"

Caroline, maman de Sylvain, autiste léger passé par le lycée général et aujourd'hui à l'université, évoque son chemin de croix au collège.

Simon Loubris
Simon Loubris
| 4 min de lecture
Sylavin, un jeune autiste "léger" a connu une scolarité compliquée, mais a finalement rejoint l'université.
Photo de Immo Wegmann sur Unsplash

Caroline est la maman de Sylvain*, 18 ans, diagnostiqué autiste d'intensité légère à l'âge de 15 ans seulement, après un long parcours d'errance diagnostique. Elle nous livre ici un témoignage poignant sur les années collège de son fils et partage les leçons qu'elle en a tirées.

"L'errance diagnostique pour Sylvain a commencé dès l'école primaire, avec des suivis auprès d'une maîtresse G [NDR : Enseignant spécialisé dans l’aide à dominante rééducative] et au Centre Médico-Psychologique Infantile (CMPI) . Très jeune, Sylvain a développé un certain nombre de stratégies de compensation et d'adaptation. Mais les exigences sociales au collège ont été à l'origine d'un mal-être, d'un sentiment de ne pas comprendre les autres.

Ma part de responsabilité

En 6ème et 5ème, ignorant les difficultés que Sylvain pouvait rencontrer du point de vue relationnel, je l'avais inscrit à la cantine, à l'aide aux devoirs, aux activités sportives. Sans le savoir, je lui rajoutais une surcharge émotionnelle.

Sylvain n'avait pas vraiment d'appétence pour les relations sociales. En difficulté dans ses relations sociales, il décodait difficilement les sentiments et ressentis d'autrui, ne raisonnant qu'au premier degré et ne déchiffrant que très mal les consignes dès lors qu'elles étaient abstraites ou imagées.

Il était mal à l'aise dans le groupe, notamment dans ses rapports aux professeurs et aux surveillants avec lesquels il pouvait se montrer trop familier. Sylvain adoptait le même registre de communication avec les jeunes et les adultes et ne respectait pas toujours le rapport hiérarchique, notamment lorsqu'il estimait avoir raison.

Le comportement de Sylvain était perçu par l'entourage éducatif - principalement l'équipe de vie scolaire - comme des marques volontaires d'insolence ou d'opposition. En réalité, ces signes traduisaient des difficultés relationnelles et une incapacité à décrypter des messages abstraits ou les subtilités de la communication non verbale.

Deux exemples qui illustrent parfaitement ces malentendus : le professeur de sport lui tend un plot (sans parler, portant des lunettes de soleil) dans l'intention que Sylvain le range. Déstabilisé, Sylvain part sans comprendre. Il sera collé pour avoir refusé de ranger le matériel. Autre situation : un surveillant, en permanence, lui demande de "prendre la porte". Sylvain demandera à aller chercher de l'aide pour la porte. Il sera collé pour insolence.

Face aux difficultés d'interprétation de ses comportements, l'équipe éducative a eu tendance à imposer une discipline stricte et punitive. Des sanctions répétées, exclusions, critiques récurrentes... qui ont terminé par une commission éducative à charge.

Répondre de façon disciplinaire revient à sanctionner l'élève pour son handicap

Tout cela a fortement bousculé Sylvain. Il a commencé à développer des rituels de vérification qui impactaient fortement sa capacité à se rendre en cours et à rester assidu, avec de nombreuses crises à la maison. Les répercussions de ces "malentendus" et de la pression disciplinaire se sont traduites pour lui par une présence quasi nulle en classe de 3ème.

Sylvain a obtenu son bac en juin, après une terminale générale, où il était accompagné d'une AESH, disposait d'un ordinateur, et avait vu son emploi du temps aménagé et allégé. Il allait en hôpital de jour une fois par semaine. Durant l'année, il a fait une pause de trois semaines. L'équipe éducative est bienveillante. Comme il le dit lui-même : 'Cette période est passée. C'était difficile. Mais sans rancune, littéralement.' . Il est entré en septembre en licence économie gestion et réside dans un studio sur le campus de son université."

Caroline*

*les prénoms ont été modifiés pour préserver la sérénité et l'intimité des personnes concernées.

🙄
Quelques phrases que Caroline a entendues alors qu'un démarche de diagnostic était en cours et qu'il était suivi au CMPI :

"Il est temps de grandir" - "Vous avez un comportement trop rationnel pour avoir des troubles autistiques, et croyez-moi, j'en connais !" - "Laisse tomber, avec lui, y a longtemps que j'ai lâché l'affaire"
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Des stratégies qui masquent
Nos enfants développent très tôt des stratégies pour s'adapter, parfois si bien qu'elles masquent leurs vraies difficultés. Cette capacité d'adaptation peut retarder la compréhension de ce qu'ils vivent réellement. Et qui n'a pas voulu bien faire en multipliant les activités, sans savoir qu'on rajoutait parfois une surcharge émotionnelle ?

Communication à décoder
L'exemple de Sylvain qui demande de l'aide pour "prendre la porte" révèle un fonctionnement différent, pas défaillant. Ces petites scènes nous aident à mieux saisir comment nos enfants interprètent le monde. Mais quand ces comportements sont mal interprétés, s'enclenche souvent une spirale punitive.

Un message d'espoir
En terminale avec une équipe bienveillante, Sylvain nous rappelle qu'un environnement adapté peut tout changer. Cette évolution nous encourage à ne jamais baisser les bras !

Retrouvez d'autres témoignages de parents et de professionnels dans notre rubrique dédiée :

La vie avec l’autisme : témoignages | La lettre d’Ulysse
Cette section regroupe des témoignages envoyés par nos lecteurs, parents, professionnels, ou personnes autistes. Ils sont issus de la rubrique “Entre Nous” de la newsletter ou ont fait l’objet d’une édition dédiée. Ecrivez-moi à simon[@]ulysse-autisme.com, et votre texte pourra être publié ici.

Simon Loubris

Créateur de La Lettre d'Ulysse et papa d'Hector, 16 ans, autiste non oralisant.

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