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Quel accompagnement ?Langage et communicationLes prises en charge pour l'autisme

🤝"L'orthophonie, ça ne se passe pas que dans le cabinet"

"Celui qui doit savoir faire les choses, c'est le parent. C'est lui qui passe le plus de temps avec son enfant autiste", explique Emilie Le Gall, orthophoniste.

Simon Loubris
Simon Loubris
12 min de lecture
Emilie Le Gall - Orthophoniste spécialisée dans le champ des TSA et de la CAA. @lesfaceties_demilie sur Instagram
Orthophoniste spécialisée dans le champ des TSA, Emilie Le Gall s'investit beaucoup dans le champ de la communication alternative et augmentée (CAA). Crédit photo : Emilie Le Gall

Au sommaire :

🤝 Orthophonie : comment construire un partenariat pro/parents ? Emilie Le Gall a son idée sur la question, en toute humilité.
🧰 Boîte à outils : un dossier pour stimuler la demande chez les enfants autistes.
👁️ Vu ailleurs : laboratoire de recherche ou lieu de vie pour adultes TSA ? Les deux !
🌞 Belle histoire : la chienne Pepper, sa cape bleue, et son instinct maternel.
🎧 Spectre audible : parents d'enfants autistes, entre épuisement et enrichissement, le podcast "Dingue".
👩‍🎓 Webinaire : Un(e) AESH pour mon enfant en situation de handicap.

Cette lettre est aussi un peu la vôtre. Si vous voulez réagir à l'un des sujets ou proposer une idée, vous pouvez laisser un 💬 commentaire 💬 ou ✍️ m'écrire ✍️. Je réponds toujours (parfois avec un peu de délai 😭).


🤝 "Je ne suis pas 'celle qui sait mieux' "

Cette semaine, nous poursuivons notre échange avec Émilie Le Gall, orthophoniste spécialisée entre autres dans l'accompagnement des personnes autistes, et créatrice des "Facéties d'Émilie" sur Instagram.

On y parle relation parents-orthophoniste, transmission, et petits moments de bonheur. Si vous avez manqué la première partie de l'interview sur le parcours d'Emilie et les particularités de la prise en charge en orthophonie des enfants autistes, c'est ici 👇

Autisme : “Le boulot d’orthophoniste, c’est super large ! ” | La lettre d’Ulysse
Comment l’orthophonie dépasse largement le travail sur la parole : Émilie Le Gall dévoile la richesse de son métier auprès des enfants autistes.
💡
Pas le temps de tout lire ? Voici les points clés de cette deuxième partie :

- Pour identifier un orthophoniste sensible au TSA, recherchez quelqu'un qui utilise des renforçateurs, connaît la problématique des intérêts restreints et maîtrise la communication alternative et augmentée.

-Face à la pénurie d'orthophonistes, privilégiez un professionnel ouvert et volontaire, même s'il n'est pas spécifiquement formé à l'autisme.

- La présence des parents en séance est généralement encouragée : cela permet d'apprendre des techniques et de discuter des difficultés quotidiennes.

- L'orthophonie s'étend au-delà du cabinet. Le partenariat avec les parents est essentiel : l'objectif est de leur transmettre des outils pour qu'ils puissent prendre le relais, tout en respectant leurs contraintes familiales.

- Émilie a développé des formations courtes et accessibles pour les parents, avec des outils concrets et pratiques, sans s'attarder sur la théorie que les parents connaissent déjà par leur vécu quotidien.

Choisir son orthophoniste : les clés d'un accompagnement adapté au TSA

Comment est-ce qu'on "reconnaît" un orthophoniste qui s'est formé au Troubles du Spectre de l'Autisme (TSA) ?

Il faut que l'orthophoniste ait conscience qu'il va falloir utiliser des méthodes vraiment spécifiques. Je pense à des collègues qui étaient contre le principe du renforçateur - ça ne va pas marcher.

Il faut être au minimum au courant de la problématique des intérêts restreints, des caractéristiques centrales de l'autisme. Une question à poser : "Est-ce que vous allez utiliser des renforçateurs pendant votre séance ?" "Est-ce que vous avez listé les intérêts restreints de mon enfant ?" Et que l'orthophoniste soit en capacité d'accompagner la mise en place d'une communication alternative et augmentée, c'est essentiel.

De fait, face à la pénurie d'orthophoniste, vaut-il mieux un orthophoniste non formé aux TSA ou pas d'orthophoniste du tout ?

Le fait de ne pas être formé, ce n'est pas grave. Ce qui compte, c'est d'avoir une pratique ouverte. Si une orthophoniste vous dit : "Non, ça je ne vais pas le faire, parce que je ne sais pas", ce n'est pas très bon. Il vaut mieux quelqu'un qui est volontaire.

Derrière la porte du cabinet : construire une alliance parents-orthophoniste

En tant que parents, on passe beaucoup de temps en salle d'attente. Est-ce qu'on a le droit de passer de l'autre côté de la porte ?

Avec les tout-petits, la plupart du temps, les parents assistent aux séances. Ils peuvent voir comment on utilise la tablette, découvrir des activités à faire avec leurs enfants. En même temps qu'on joue avec l'enfant, je peux poser des questions : "Quand il réagit comme ça, comment vous faites à la maison ?" Ils peuvent me répondre "Ben, justement je ne gère pas. Je sais pas quoi faire" et on peut en parler ensemble.

Il y a aussi des parents qui préfèrent avoir ce temps pour eux. Mais je fais quand même des points. Je peux prendre un quart d'heure sur une séance pour poser des questions sur comment ça se passe à l'école. L'orthophonie ne se passe pas que dans le cabinet. Le but, c'est de transmettre ce qu'on fait aux parents pour qu'ils puissent le faire chez eux.

Mais la présence du parent peut perturber la séance, non ?

J'ai un cas où ce n'est pas possible : quand la maman est là, le petit se met dans tous ses états, il n'a que des comportements-défis. Pour l'instant, je ne peux pas la faire rentrer en séance, je n’ai pas de solution, mais je lui fais des vidéos de ce qu'on fait. Quand les enfants viennent en taxi, je fais des photos que j'envoie aux parents. Je ne souhaite pas avoir une relation verticale. Je ne suis pas celle "qui sait mieux". Je fais, je vous montre et vous allez faire pareil. Je veux pouvoir m'arrêter de travailler avec l'enfant et que les parents puissent prendre le relais. Je n'ai pas vocation à suivre les enfants pendant 10 ans.

Comment fait-on pour prolonger ce qui est fait en cabinet à la maison ?

Il y a des enfants qui peuvent repartir avec un livre à la maison. Je dis aux parents : "On a bossé là-dessus. Si vous pouvez le reprendre à la maison, c'est super". Mais ça dépend : si les parents sont en demande, OK. Sinon je n'insiste pas. Même moi, je suis maman de trois enfants, je n'ai pas forcément le temps : il faut déjà que je fasse à manger, la lessive, le bain le soir. C'est vraiment en fonction de ce que eux ont envie de faire.

Est-ce qu'il y a des choses en termes de posture, d'attitude dans le quotidien ?

Il y a des choses à faire, comme poser un cadre. J'ai des parents débordés qui me disent "Comme je me dis qu’il ne comprend pas, je laisse faire". Non ! Un enfant, même s'il est autiste, a besoin de limites, d'un cadre, d'une structure. Avec les tout-petits, j'accompagne beaucoup les parents : vous avez le droit de poser un cadre, sinon vous allez être débordés. Par contre, pour un outil de communication alternative, il faut vraiment l'utiliser à la maison.

Transmettre et partager : quand l'expérience d'Émilie rayonne au-delà des séances

Comment interagis-tu avec les autres professionnels qui interviennent auprès de nos enfants ? C’est souvent compliqué de se coordonner.

Je n’ai pas ce problème : on s’est regroupé dans un cabinet où on est sept professionnels : quatre orthophonistes, deux psychomotriciennes, une neuropsychologue et une orthoptiste. 

Une vraie dream team !

Exactement, quand les patients viennent, ils ont le package 🙂. On les oriente entre nous, en expliquant que c'est indissociable. On échange en déjeunant ensemble, par WhatsApp ou par téléphone.

L'important, c'est d'harmoniser nos pratiques et d'avoir un discours commun pour les parents. C'est un vrai mouvement en libéral : plus personne n'a envie de travailler seul. C'est plus intéressant d'être une équipe soudée, où l’information circule. Les institutions nous y encouragent.

Est-ce que tu as des échanges avec l'Éducation nationale ou avec les IME ?

Ça dépend des interlocuteurs. Certains professeurs ne veulent pas échanger, d'autres nous appellent dès la rentrée. On est invité aux équipes de suivi de scolarité, mais beaucoup d'orthophonistes n'y vont plus car c'est un temps non rémunéré. On fait des écrits. Le problème, c'est qu'on donne souvent des billes sans en recevoir en retour. Et qu’on a l’impression que ça n’est pas toujours repris. Ça dépend vraiment de la motivation des équipes, du chef de l’établissement.

Cette idée de circulation, de partage, on la retrouve dans ta formule de formation sur Oséo. Quelle est la démarche ?

Je l'ai construite en me disant qu'on ne peut pas suivre les enfants pendant 10 ans, ça n’est pas possible ! La personne qui doit avoir les infos et savoir faire les choses, c'est le parent. C'est lui qui passe le plus de temps avec son enfant. 

Mais les parents ont une vie ! Partir en formation, ça coûte cher, c'est loin. Je me suis dit que j'allais proposer des trucs courts, à mettre en œuvre rapidement, sans trop de théorie. Moi non plus, je ne vais pas mentir, je ne passe pas ma vie à lire des articles en anglais... Je suis plutôt une animatrice de centre de loisirs ! 

J'avais envie de montrer ce que je fais. Ça fonctionne, je vous le donne, et amusez-vous avec vos enfants quoi. Pour que ce soit accessible, il fallait aussi que les parents puissent se les payer, donc proposer un tout petit prix

C'est accessible dans tous les sens du terme, y compris sur les thèmes traités, c'est très concret.

Quand j'ai fait ma formation de spécialisation, c'était passionnant mais, il y avait beaucoup de redondances sur la théorie, entre les différents modules.  Il y a des fois où j’avais envie de dire : “C'est bon, on les connaît à peu près, les critères”.

En tant que parent, vous vivez au quotidien avec votre enfant, vous savez déjà que c'est difficile. Ce dont vous avez besoin, c'est : "Je ne sais pas à quoi jouer avec lui",  "Comment mettre en place la CAA ?", "Comment le faire manger ?". 

Beaucoup de formations disent "Il faut travailler l'imitation". Oui, mais comment ? Si vous n'allez pas dans le cabinet de l'orthophoniste ou du psychomotricien, s'il ne vous laisse pas la porte ouverte, ça ne s'invente pas. Il faut que quelqu'un vous montre.

D'où vient ce côté "partage", qu'retrouve notamment dans tes vidéos sur Instagram ?

Je ne sais pas vraiment. Ma mère était prof de physique-chimie et nous faisait faire plein d'expériences, on était ses cobayes. J'avais aussi une grand-mère qui bricolait beaucoup. Je pense que j'aurais dû faire un métier manuel. Je m'éclate vraiment beaucoup, j'ai une sorte d'hyperactivité, qui ne se calme que quand je crée des trucs. J'ai besoin de fabriquer, de créer, de bouger. Ça vient peut-être de là.

Est-ce que tu as un souvenir particulier, une émotion forte avec un enfant autiste ?

Il n'y en a pas qu'un : ce sont notamment tous ces moments où la prise en charge bascule, en fait !

Au départ, tu rencontres l'enfant, il ne te calcule pas vraiment, il est à part dans ton bureau, il ne veut pas forcément faire ce que tu as envie de faire… Et puis tout d'un coup, tu ne sais pas, au bout de trois, quatre fois, tu vas lui proposer un truc. Et là, il te regarde, il se met à faire les choses avec toi, il veut bien s'asseoir.

Tu arrêtes de lutter en fait. C'est ce moment où tu passes de "Regarde-moi, Regarde-moi" à la relation. Il vient dans ton bureau en courant, les parents te disent qu'il parle de toi à la maison, il y a les premiers mots. Enfin… il y a plein de moments !


🧰 Boîte à outils : Stimuler la demande chez votre enfant TSA

L'excellent site CléPsy propose une série de vidéos et de fiches pratiques pour stimuler la demande chez votre enfant de moins de 5 ans avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA).
Malheureusement, la navigation est un peu dégradée (pas de lien fonctionnel entre les vidéos, pas de vidéo sur les fiches pratiques, playlist incomplète - si quelqu'un chez CléPsy nous lit, il y a quelque chose à faire...)

Je vous remets l'ensemble de ce dossier ici :


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